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Vendre en ligne ou ne pas vendre en ligne : le dilemme des franchiseurs

Libre de (quasi) toutes limites géographiques, la vente en ligne permet la distribution de produits partout dans le monde. Une absence de frontières qui se pose en contradiction totale avec un pilier du concept même de la franchise – structurée notamment par l’ancrage commercial du franchisé dans son territoire.
Comment, dès lors, la vente en ligne peut-elle se développer dans le secteur de la franchise ? Est-ce d’ailleurs souhaitable ? Quelles solutions mettre en œuvre ?

A retenir

  • Vendre en ligne ne cannibalise pas votre réseau, mais fait évoluer ses pratiques
  • L’enseigne ne peux ignorer les exigences multicanal de ses clients
  • En plaçant le client au coeur de sa stratégie, l’enseigne s’offre une nouvelle dynamique

Vente en ligne : le franchisé déterritorialisé ?

C’est l’un des éléments clés d’un contrat de franchise : la concession d’un territoire par le franchiseur à son franchisé. Pas étonnant qu’en conséquence les entreprises de franchise soient en retard en matière de e-commerce : la déterritorialisation de la vente touche le cœur même de leur modèle économique.

Car si les réseaux qui diffusent de longue date leurs produits par des canaux diversifiés ont moins de difficultés à lancer leur boutique en ligne – leurs franchisés sont habitués à voir la marque dans d’autres magasins ou points de vente – tout se corse pour les franchises dont les magasins sont historiquement les seuls canaux de diffusion.

Au sein de ces réseaux, la mise en œuvre d’un site en ligne est dès lors vite perçue comme une agression – l’impact psychologique sur les franchisés eux-mêmes peut être considérable.

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Coexistence des réseaux

Pourtant le succès des réseaux diversifiés pousse en faveur du e-commerce.

En effet, l’affiliation, les corners, la diffusion dans les magasins ont déjà démontré que différents canaux de diffusion peuvent coexister sans dommages.

Ainsi, la marque Lacoste distribue ses produits tout à la fois dans ses boutiques en propre, chez des détaillants, des licenciés ainsi que sur son site Web.
Une approche multicanal réussie, même si naturellement la forte notoriété de la marque aide à convaincre les partenaires de s’en partager le marché.

Les franchises n’ont plus le choix

Pour un réseau de franchise, la création d’un site e-commerce ce sont donc de nombreux enjeux financiers et humain. Mais c’est aussi une vraie opportunité. Malgré leurs craintes et les spécificités de leur modèle économique, les franchises peuvent-elles encore se passer de cet outil ?

Car une enseigne qui ne développe pas son site de vente en ligne voit désormais fleurir différents sites à son nom… Des espaces commerciaux mis en ligne anarchiquement par certains franchisés au fort esprit d’initiative. De plus, si la vente n’est pas faite par l’enseigne, elle sera captée par d’autres acteurs en ligne qui investissent le web avec des offres concurrentes. Alors pour éviter cela, plus d’autre choix, les réseaux de franchises doivent sauter le pas du site e-commerce… Mais en tenant compte de leurs spécificités.

Quelle organisation pour le e-commerce franchisé ?

Avant de se lancer dans la création d’un site de vente en ligne, la tête d’un réseau de franchise doit résoudre 3 problématiques :
1. qui vend en ligne ?
2. comment se partage la valeur créée ?
3. comment organiser les relations avec le réseau ?

La norme : le site unique

En principe, le site de vente en ligne est unique et doit être géré par la tête de réseau. Cohérence de la communication, mutualisation des coûts, économies d’échelle, logistique optimisée… Cette solution est la plus évidente à tous points de vue.
A noter quelques exceptions, notamment lorsque la franchise est également une centrale d’achat et qu’elle peut déléguer à une entité externalisée – souvent un franchisé – la gestion de son e-commerce.

Ultra-local et sites individuels

Mais si le service proposé par la marque comporte une forte composante locale, comme les fleurs, le réseau peut alors opter pour une galaxie de sites individuels pour chaque franchisé. Dans cette configuration, les commandes passées sur le site dédié au franchisé sont traitées et gérées directement par l’unité locale.

Cette structuration commerciale pose cependant la question des compétences en terme de gestion du back-office, avec un ensemble de points logistiques tels que la disponibilité.
La coordination est alors un enjeu clé : si les tests de service « drive » rencontrent un écho assez faible auprès des franchisés, c’est qu’elles obligent la synchronisation entre une entité physique, le franchisé, et une entité digitale, gérée souvent par le franchiseur.

Des prix plus élevés… en ligne

Les sommes générées par un site e-commerce sont à peu près équivalentes à celles d’un magasin. Une moyenne faible, induite souvent par la faiblesse de l’infrastructure du franchiseur dont l’activité principale est la vente d’un concept de réussite… pas celle d’un produit ou d’un service directement au consommateur. Cet écueil structurel limite la rentabilité du site e-commerce et les effets d’échelle.

Des conséquences… en magasin !

Conséquence directe : les prix ont donc tendance à être structurellement plus élevés sur les sites de e-commerce des marques franchisées. Si ce positionnement tarifaire limite la concurrence avec le point de vente et préserve ses intérêts, ce parti-pris a tendance à se retourner contre l’ensemble du réseau. En effet, ce prix élevé affiché sur Internet détourne les clients d’une visite au magasin physique… une conséquence fâcheuse à l’heure ou 80 % des clients indiquent faire une recherche en ligne avant de se déplacer en boutique.

Le site e-commerce du franchiseur, concurrent du franchisé ?

La question centrale pour le franchisé reste celle de la concurrence : la vente en ligne fait-elle de l’ombre aux services qu’il propose dans son magasin ? En général, non, car l’achat à distance obéit à une autre logique, à d’autres besoins et contraintes. La vente à distance ne représente d’ailleurs que 5 % des ventes globale et sa croissance s’essouffle : bonne nouvelle, le Web ne vide pas les magasins.

Compléter l’offre

En fait, cette concurrence site e-commerce / boutiques physiques serait effective si le marché était dominé totalement par la franchise, ce qui est plutôt rare. En général, la marque détient une partie seulement de son marché (repensons à notre fleuriste, croisé plus haut) et son site e-commerce renforce son offre en permettant d’accéder au service de l’enseigne même au cœur des territoires où elle n’est pas présente ou pas en position commerciale dominante.

Comme dans toutes stratégies, si l’offre en ligne est cohérente en terme de prix avec la politique des magasins, elle complète l’existant en permettant d’investir de nouveaux territoires de vente que la boutique ne peut satisfaire. A l’inverse, le site de e-commerce peut être mis au service des franchisés locaux, notamment en production de leads, d’enrichissement de fichier et de fidélisation.

Comment partager les bénéfices ?

La question du partage de la valeur est alors centrale : quel est le bénéfice et comment est-il partagé ?

La plupart des enseignes choisissent de reverser un pourcentage forfaitaire à leurs franchisés. Cette pratique élude la question de la rentabilité car l’enseigne verse indifféremment le même pourcentage de valeur, que le site soit rentable ou pas. Cette politique permet aussi l’apaisement des relations au sein du réseau… mais elle ne participe pas vraiment à la création de valeur, ce qui est dommage.

Créer de la valeur par le Web : le vrai défi

Le véritable défi des enseignes, c’est de créer de la valeur par le Web et non seulement de surfer sur la vague en espérant stabiliser les choses. L’univers du Web est bien trop mouvant pour tenter de tels paris. Comme pour tous les secteurs affectés par le web, la solution est souvent à chercher dans l’expérience client : comment procurer un surplus de valeur au client grâce au web, puis restructurer l’offre en fonction de cette nouvelle donne ?

Redessiner les contours de la franchise

Le développement du e-commerce contraint le secteur de la franchise à reconsidérer l’ensemble de la distribution de ses produits et services, ainsi que ses pratiques traditionnelles.
Le modèle classique du réseau de franchise bâti sur les magasins ou l’agence locale comme seul vecteur de diffusion du produit ou du service, n’est plus suffisant.

Quels sont désormais les rôles des magasins ou de l’agence locale dans le parcours client ? Quelles interactions définir entre le local et la vente à distance ? Comment assurer la cohérence de l’acte d’achat ?

C’est cette redéfinition des tâches dans une optique multicanal qui pérennisera le secteur de la franchise.

Le client au centre

L’acteur-clé de cette redéfinition du modèle de la franchise sera probablement le client… En effet, l’enjeu du e-commerce n’est finalement pas tant la vente en ligne, qui génère un chiffre d’affaire relativement modeste, que le parcours client « sans couture ».
Un parcours dont toutes les données sont partagées par l’ensemble des acteurs du processus d’achat. Un parcours qui nécessite la collaboration et la mise en commun des informations commerciales entre franchisés et franchiseurs, et induit souvent le partage d’une infrastructure informatique.

La maîtrise fine des processus d’achat devient une nouvelle part d’expertise du franchiseur. C’est cette connaissance de la relation client, et sa capacité à exploiter finement les données de chaque parcours d’achat, qu’il propose désormais à son franchisé. Le franchisés identifie ainsi clairement son rôle, sa fonction et sa valeur dans l’acte commercial ; il en tire profit et s’engage à des contreparties.

Nouveau modèle, nouveaux défis, nouvelle franchise !

Le e-commerce, pour le secteur de la franchise c’est l’occasion de se différencier et de repenser ses modèles autour du client, en et s’adaptant au niveau de service et de souplesse que celui-ci exige aujourd’hui.

Un nouveau défi et de nouveaux territoires à explorer… pour lesquels le secteur de la franchise dispose d’avantages décisifs face à ses concurrent indépendants et succursalistes : l’homogénéité des pratiques réseaux, la force d’une marque, et la réactivité du local.

Pour aller plus loin : Guide Residence Mixte